La chancelière allemande poursuit ses adieux ce dimanche en étant en Israël où elle s’est félicitée du degré de solidité des relations israélo-allemandes, en dépit du passé.
La sécurité d’Israël restera une priorité de ‘tout gouvernement allemand’, a déclaré dimanche la chancelière Angela Merkel à l’occasion de sa dernière visite officielle à l’Etat hébreu, avec lequel l’Allemagne a approfondi ses relations pendant ses 16 années au pouvoir. La chancelière, arrivée tard samedi soir à Tel-Aviv, a rencontré dimanche matin à Jérusalem le Premier ministre israélien Naftali Bennett.
Angela Merkel aura marqué les relations israélo-allemandes d’une empreinte particulière
“Les liens qui unissent nos deux pays sont un cadeau inestimable, un cadeau improbable face à l’histoire.” Les mots de la chancelière Angela Merkel lors de son précédent déplacement en Israël en 2018 caractérisent la relation unique qui lie l’Etat hébreu à l’Allemagne : celle d’une amitié longtemps considérée comme contre-nature, et qui s’est épanouie contre tous les pronostics.
Cette visite était initialement prévue en août mais avait été reportée en raison du retrait des forces américaines et de leurs alliés, notamment allemands, d’Afghanistan, ouvrant la voie au retour des talibans au pouvoir.
Une coopération sans faille
Cette coopération est aujourd’hui particulièrement féconde au niveau militaire, scientifique, universitaire et surtout économique : l’Allemagne est ainsi devenue le premier partenaire commercial d’Israël en Europe. Il existe également des programmes d’échanges très dynamiques à destination de la jeunesse, axés sur l’éducation et l’engagement en faveur de l’amitié bilatérale.
Cette normalisation des relations a même tellement bien fonctionné qu’on ne compte plus les jeunes israéliens qui vivent et s’épanouissent à Berlin (7.000 actuellement selon le Bureau des statistiques local), dont beaucoup sont des descendants de survivants de la Shoah. “Les raisons qui attirent tant d’Israéliens dans la capitale allemande sont complexes”, explique le professeur Gisela Dachs, qui enseigne au Centre DAAD pour les études allemandes ainsi qu’au Forum européen à l’Université hébraïque de Jérusalem. “Outre les avantages économiques indéniables (immobilier bon marché, coût de la vie relativement bas) et l’aspect dynamique et multiculturel de la ville, il y a aussi quelque chose qui relève d’une sorte de fascination un peu morbide, une idée de revanche sur l’histoire”, affirme-t-elle.
La position à part de Berlin vis-à-vis de l’Etat juif est particulièrement marquée lors des conflits opposant Israël et les groupes terroristes palestiniens. D’une voix souvent discordante dans le concert des nations, l’Allemagne a toujours exprimé un soutien sans faille à l’Etat hébreu, affirmant son droit à se défendre contre les agressions de ses ennemis. “La chancelière condamne fermement les tirs continus de roquettes sur Israël dont le but est de tuer des civils et de répandre la terreur. Rien ne peut justifier le terrorisme et nous soutenons le droit d’Israël à se défendre”, avait notamment déclaré en mai dernier le porte-parole d’Angela Merkel lors de l’opération “Gardien du Mur” ayant opposé l’Etat juif au Hamas. La qualification de l’organisation BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) d’”antisémite”, ou l’interdiction de toute activité du Hezbollah en territoire allemand, relèvent de cette même détermination de Berlin.
Et lorsque certains points de désaccord se font jour, concernant notamment la solution à deux Etats ou la construction dans les implantations israéliennes de Cisjordanie à laquelle l’Allemagne s’oppose, les dirigeants allemands prennent toujours soin de mettre les formes lorsqu’ils formulent des critiques à l’égard d’Israë.
L’empreinte Merkel
“La relation entre l’Allemagne et Israël était forte, mais sous votre mandat, elle est devenue plus forte qu’elle ne l’avait jamais été. Il ne s’agit plus simplement d’une alliance, mais d’une véritable amitié et ça nous le devons à votre leadership”, a déclaré M. Bennett.
Angela Merkel, qui doit se rendre plus tard dimanche à Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, s’est elle félicitée qu’après le génocide juif par l’Allemagne nazie, les relations aient pu atteindre un “tel niveau” entre les deux pays.
“La question de la sécurité d’Israël restera toujours d’une importance centrale pour tout gouvernement allemand”, a ajouté la chancelière dont la presse israélienne a salué les années au pouvoir, le quotidien Israel Hayom (droite) estimant “qu’aucun chancelier allemand n’avait fait autant pour améliorer les relations entre l’Allemagne et Israël qu’Angela Merkel”.
Les deux leaders doivent par ailleurs discuter dimanche du programme nucléaire iranien qui a “franchi toutes les lignes rouges”, avait déclaré récemment à l’ONU M. Bennett, affirmant dans la foulée que l’Etat hébreu “n’allait pas permettre” à Téhéran de se doter de l’arme atomique.
Israël tente à ce propos de convaincre la troïka européenne (France, Royaume-Uni et Allemagne) d’éviter de s’engager dans un nouvel accord avec l’Iran qui pourrait lui permettre à terme de se doter de la bombe nucléaire.
Pendant ses 16 années au pouvoir, Angela Merkel a fait du droit d’Israël à se défendre face à ses ennemis l’une des priorités de la politique étrangère de l’Allemagne, tout en plaidant pour un dialogue sur ce dossier sensible.
Angela Merkel aura marqué les relations israélo-allemandes d’une empreinte particulière, faisant des liens avec l’Etat hébreu l’un des piliers de sa politique étrangère, comme en a témoigné la fréquence de ses déplacements en Terre sainte – huit au total au cours de ses 16 années au pouvoir. L’attachement de la chancelière sortante à l’Etat juif – qui s’exprime encore dans cette visite d’adieu en Israël qu’elle a tenu à faire ce dimanche 10 octobre alors que rien ne l’y obligeait- tient, selon beaucoup, au fait qu’elle ait grandi dans une Allemagne de l’Est communiste qui n’a pas reconnu la responsabilité du pays dans la Shoah, et n’a pas non plus reconnu l’Etat d’Israël lors de sa création en 1948 : les ravages du déni et des arrangements avec la mémoire auraient ainsi forgé sa conscience politique.
Cette relation unique de la dirigeante allemande avec l’Etat hébreu a culminé lors de son discours historique prononcé à la Knesset en 2008, comme le souligne Gisela Dachs. “D’abord parce qu’elle a été le premier chef d’Etat à s’exprimer en allemand au sein du Parlement israélien”, explique l’enseignante, qui précise qu’Angela Merkel n’avait pas planifié de s’exprimer dans sa langue natale, par respect pour le pays, mais qu’elle s’était finalement laissée convaincre de le faire. “Ensuite parce que dans son allocution, elle a érigé la sécurité d’Israël au rang de ‘raison d’Etat pour l’Allemagne’, des mots extrêmement forts et complètement inédits.” Pour de nombreux analystes, la chancelière a ce jour-là conceptualisé l’idée – jusqu’alors tacite – d’une spécificité dans les relations israélo-allemandes et de la responsabilité de l’Allemagne dans la pérennité de l’Etat juif.
En dépit du prochain changement de gouvernement en Allemagne et de la mémoire de la Shoah qui s’estompe inexorablement, Gisela Dachs ne pense pas que les relations bilatérales soient amenées à se détériorer dans les années à venir, même si un léger changement de vent pourrait se faire sentir. “Les dirigeants du parti socio-démocrate qui a remporté les élections sont de la même génération qu’Angela Merkel, ils poursuivront donc dans cette voie du consensus face à Israël, en apparence du moins. En coulisses, il se pourrait toutefois que les voix des jeunes du parti SPD et de celui des Verts qui devrait faire partie de la coalition, se fassent entendre, notamment sur la question des droits des Palestiniens.”
En août 2020, lors d’un événement particulièrement émouvant, des avions de l’armée de l’air israélienne ont survolé pour la première fois l’ancien camp de concentration allemand de Dachau aux côtés d’appareils de la Luftwaffe, matérialisant comme jamais la volonté qui préside aux relations israélo-allemandes depuis près de 60 ans : celle d’apprivoiser le passé pour mieux appréhender l’avenir.
Nucléaire iranien
Les deux leaders doivent par ailleurs discuter dimanche du programme nucléaire iranien qui a «franchi toutes les lignes rouges», avait déclaré récemment à l’ONU M. Bennett, affirmant dans la foulée que l’Etat hébreu «n’allait pas permettre» à Téhéran de se doter de l’arme atomique.
Israël tente à ce propos de convaincre la troïka européenne (France, Royaume-Uni et Allemagne) d’éviter de s’engager dans un nouvel accord avec l’Iran qui pourrait lui permettre à terme de se doter de la bombe nucléaire.
Pendant ses 16 années au pouvoir, Angela Merkel a fait du droit d’Israël à se défendre face à ses ennemis l’une des priorités de la politique étrangère de l’Allemagne, tout en plaidant pour un dialogue sur ce dossier sensible.
Ramallah snobé
Pour cette dernière visite à Jérusalem, Angela Merkel n’a pas prévu de détour par Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie occupée, bien que l’Allemagne reste favorable à la solution à «deux Etats», une Palestine indépendante et viable aux côtés d’Israël.
Aujourd’hui, plus de 675’000 colons israéliens vivent à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967.
Et bien qu’elle s’oppose ouvertement à la colonisation, illégale au regard du droit international, Angela Merkel reste critiquée par des militants des droits humains qui lui reprochent de ne pas avoir un discours assez musclé sur cette question.
«Le nouveau gouvernement allemand devra mettre les droits humains au centre de sa politique concernant Israël et la Palestine», a déclaré ce week-end Omar Shakir, spécialiste du conflit israélo-palestinien pour l’organisation Human Rights Watch.
Si aucun crochet n’est prévu par Ramallah, aucune rencontre n’est prévue non plus avec Benjamin Netanyahu, actuel chef de l’opposition israélienne, au pouvoir pendant la majeure partie (12 ans) des années Merkel.
Après 16 ans de pouvoir, la chancelière s’apprête à laisser la place tandis que sociaux-démocrates, Verts et libéraux allemands tentent de former une coalition inédite en Allemagne, sans les conservateurs d’Angela Merkel.