Dans la pénombre un homme chuchote.
Une voix empreinte d’angoisse qui peu à peu va s’amplifier.
On découvre que l’homme est dans une cellule, en prison.
Cet homme, c’est Jean Zay, bien trop méconnu des Français alors qu’il fut un homme politique visionnaire, Ministre de l’Education et des Beaux-Arts du Front Populaire, de 1936 à 1939, démocrate, résistant, grand humaniste réformateur de l’enseignement avec notamment l’obligation scolaire à quatorze ans ou le sport à l’école, défenseur de l’école publique, créateur du baccalauréat, de l’ENA, du CNRS, de nombreux musées, du Festival de Cannes … une carrière époustouflante d’un homme doué d’une capacité de travail hors du commun.
Le personnage est joué par Xavier Béja qui a adapté à la scène “Souvenirs et solitude”, journal d’une belle écriture, sensible et émouvante, que Jean Zay va tenir tout le temps de sa captivité, de juin 1940 à juin 1944.
Le régime de Vichy, au mépris de toute vérité, l’a condamné pour “désertion en présence de l’ennemi”, alors qu’il tentait de constituer un gouvernement en exil en Afrique du Nord.
Il est incarcéré à la maison d’arrêt de Riom.
Le théâtre, par la mise en scène – et celle de Michel Cochet est admirable de sobriété, renforcée par le travail sur la lumière de Simon Lericq et sur le son d’Alvaro Bello – le théâtre donc permet cet aller-retour incessant entre présent et souvenirs.
Tandis que Jean Zay dit “Tuer le temps, jamais jusqu’à présent ces mots n’ont eu pour moi une telle résonance”, on remonte ce temps avec la projection d’images d’archives que l’on doit à Dominique Aru et Philippe Varache, illustrant le passé particulièrement brillant de l’homme politique tout en offrant un éclairage sur les années 30.
Puis l’on revient au présent du prisonnier marchant de long en large dans l’espace exigu de sa cellule. Par l’étroite fenêtre, le ciel, et, tout à coup, un oiseau qui s’y pose … et s’envole, libre.
Un hommage à un homme exceptionnel, “complet” ajoute le titre de la pièce, qui, par-delà la mélancolie et la colère, luttant contre son anéantissement moral et intellectuel, garde jusqu’à la fin joie et humour.
Une grande figure de l’Histoire de France, qui, parce que juif, radical de gauche, franc-maçon, résistant à Hitler, fut assassiné par la milice française le 20 juin 1944.
Le président de la République François Hollande a fait transférer ses cendres au Panthéon en 2015.
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