Des jambons au cœur d’une querelle de clocher !

Des jambons au cœur d’une querelle de clocher !

Affaire pour le moins insolite.
Cela se passe à Saint-Flour, calme bourgade du Cantal – 6 000 habitants, altitude 1 000m.

La commune s’enorgueillit d’avoir la plus haute cathédrale d’Europe ainsi qu’un climat particulièrement sain.
Las ! Au coeur de cet édifice sacré, l’orgue de chœur ainsi que des peintures, des vitraux et des dorures se dégradaient dangereusement, au grand dam de l’abbé Philippe Boyer, recteur de la cathédrale.
C’est alors que le prélat, fin gourmet, eut une idée divine pour financer la restauration de ces oeuvres d’art.

Affiner des jambons dans le clocher. Une première mondiale !

Il acheta alors des pièces de huit mois d’âge issues d’élevages du Cantal et les fit suspendre aux poutres soutenant les cloches pour les affiner quatre mois de plus, dégageant ainsi un bénéfice conséquent à la revente.
Depuis 2022, ce sont près de 300 pièces premium IGP d’Auvergne qui ont été revendues à des chefs étoilés : Guy Savoy et Guy Martin à Paris, à Chaudes-Aigues, Serge Vieyra qui a acquis aux enchères une pièce de cloche, pardon de coche, de 25 mois d’affinage.
Opération lucrative qui a rapporté plus de 16 000 euros.
L’Élysée fait partie des clients. Chirac raffolait de la tête de veau, les Macron adoreraient cette charcuterie d’exception.

Celle-ci a été baptisée “Florus Solatium” d’après Saint Flour (Florus en latin), évêque qui vécut au IVe siècle et dont les restes sont abrités dans la cathédrale, juste en dessous des jambons.
Une façon originale de sauver le patrimoine tout en promouvant l’artisanat local.

Tout le monde se réjouissait de cette expérimentation nouvelle …
quand soudain, fin 2023, coup de théátre !
La décision administrative de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) du Cantal, suivie par les Bâtiments de France tombe : Les jambons doivent être décrochés avant le 31 décembre !
Motif : Outre la présence de mites alimentaires et les problèmes de sécurité incendie, des coulures de gras chargées de sel détériorent les planchers du XVe siècle !

L’histoire a fini par arriver aux oreilles de la ministre de la Culture.
Après examen du dossier, en concertation avec le préfet du Cantal, Rachida Dati a rapidement tranché.
Avec sa bénédiction, Saint-Flour pourra continuer à affiner ses jambons dans son clocher.
“Nous sommes enchantés”, s’est réjoui le trésorier de l’association Les Amis de la Cathédrale qui s’occupe de cette activité charcutière.

L’affaire cocasse passionnant les médias nationaux, la popularité des jambons à l’aura divine a enflé, tant et si bien que les commandes affluent maintenant de l’étranger.
La boutique en ligne de la cathédrale est prise d’assaut, les délais de livraison augmentent, les chefs de toute l’Europe s’arrachent les jambons secs bénis…

Face à cet engouement, ne pourrait-on pas envisager d’étendre l’opération “Jambons Saints” à d’autres églises de la Région, comme la basilique Notre-Dame du Porc, pardon du Port, joyau roman de Clermont-Ferrand ? (Cros, petite commune du Puy-de-Dôme affine déjà trois ou quatre jambons dans son clocher).
Les édifices religieux pourraient tout aussi bien accueillir des “Jésus”, célèbres saucissons secs lyonnais qui demandent au moins une cinquantaine de jours de séchage.
Quant aux cryptes, leur fraîcheur serait idéale pour l’affinage du Saint Nectaire, grande spécialité de l’Auvergne, tout comme pour le vieillissement des vins de la Région, tel le Saint-Porcin, pardon Saint-Pourçain, ou le Corent, ce fameux rosé, perle du village éponyme.
On peut imaginer enfin en ces lieux sacrés la maturation d’un vinaigre balsamique auvergnat IGP, à l’instar de celui de Modène qui possède la particularité de se concentrer par évaporation naturelle de ce que l’on nomme poétiquement “la part des anges”.

Autant de rentrées financières possibles pour l’entretien de notre patrimoine religieux qui repose, en France, sur les communes.
Le recteur de la cathédrale de Saint-Flour a montré la voie.

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